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L’ambre et la peinture

L’ambre est une résine fossile, dure et transparente, variant d’un jaune claire à un rouge orangé. Elle est utilisée dans bien des domaines et commercialisée sous diverses formes. Mais saviez-vous que l’ambre est aussi employée pour la peinture à l’huile ?

Jacques Blockx dans son  Compendium À L’usage Des Artistes Peintres raconte que l’ ambre dissous (appelé succin) devient miscible aux huiles et aux essences. Le résultat donne un produit pur, gras, élastique, brillant, qui ne change pas de couleur, ne craquelle pas et à la siccativation lente et régulière. L’ambre dissout est donc idéal pour une excellente conservation de la peinture.

Par son pouvoir réfléchissant, le succin dissous communique aux couleurs à l’huile ce brillant, cette transparence, cette finesse et cette puissance de ton, qu’aucune autre matière ne saurait leur donner.”

L’emploi de l’ambre dans la peinture à l’huile

Voici les différents points essentiels concernant l’ambre (d’après l’article “L’ambre élucidé” du Pratique des arts n°45) :

  1. Des glacis efficaces et puissants – L’ambre est la résine qui accentue le plus l’effet de profondeur grâce à sa grande transparence naturelle et à son pouvoir réfléchissant élevé. De plus, les teintes s’en trouvent renforcées.
  2. Une superposition des couches facilitée – L’ambre est une matière thixotrope, elle se fluidifie lorsqu’elle est remuée (comme des ables mouvants).  Servant d’isolant, l’ambre permet la superposition de nouvelles couches.
  3. Pas d’embus ni de craquelures – Peu importe le nombre de couche, l’ambre a l’incroyable qualité  de faire traverser l’oxygène malgré sa rigidité. Grâce au point n°2, les problèmes causés par la quantité de gras et le séchage sont ainsi évités !
  4. Une protection durable – L’ambre enrobent les pigments entraînant alors une excellente protection et conservation des teintes sur le long terme. De plus, sa solidification garde toute de même une légère souplesse évitant ainsi les craquelures provoquées bien souvent par les mouvements du support.
  5. Le vernis devient inutile – En effet les particules pigmentaires sont toutes emprisonnées dans la résine, la pâte picturale est donc complètement protégée et isolée.

Comme le parfait n’existe pas, ce produit quasi miraculeux a toutefois des contreparties :

  1. Son prix – Les qualités de l’ambre liquide sont certes extraordinaires mais son prix est bien souvent dissuasif. Pour preuve : environ 200€ les 50ml. Heureusement qu’une petite quantité suffit !
  2. Son irréversibilité – Ce qui en fait un réel problème pour les restaurateurs. L’ambre est effectivement résistante aux solvants (essences et alcools). Cependant, cette caractéristique donne l’avantage de pouvoir nettoyer le tableau à l’eau et au savon.

Obtenir de l’ambre fluide

Une résine est une sécrétion d’arbre qui se dissout à l’essence, à l’alcool ou dans des huiles, mais pas à l’eau. L’ambre est si dure qu’elle est extrêmement difficile à dissoudre, la rendre liquide est complexe même avec les méthodes contemporaines. En faible proportion (15 à 30%) dans des solvants (benzine, éther, alcool, chloroforme…) chauffés au delà de 300°C, voilà le moyen d’obtenir de l’ambre dissoute, autant vous dire que l’opération est hautement complexe.

A l’origine l’ambre était mélangée à des huiles cuites à hautes températures puis appliquée comme vernis sur les œuvres peintes (à la tempéra à l’oeuf jusqu’au XVIe siècle). Mais à cause de sa viscosité et sa température contraignante (doit être appliquée chaude), un nouveau type de vernis a été inventé au XIXe siècle, c’est celui que nous connaissons encore aujourd’hui.

L’ambre fluide s’emploie aussi de la même manière qu’un médium à peindre. Principalement utilisée pour les glacis, elle se mélange à une huile (lin ou œillette pour les couleurs claires) et en général est utilisée lors des dernières couches.

Les maîtres en la matière

Tous les maîtres ayant utilisé l’ambre dans leur création ont crée des œuvres admirablement bien conservées.

Les frères Van Eyck – XVe siècle

A cette époque, les peintures sont à l’eau (tempéra à l’œuf) et les vernis à l’huile. Les frères Van Eyck sont les premiers à avoir expérimenté les vernis colorés, c’est-à-dire un mélange de pigments, de résine et d’huile. C’est pourquoi l’attribution de l'”invention” de la peinture à l’huile leur revient. Pour la première fois, les peintures présentaient de beaux modelés et une profondeur de tons.

Les époux Arnolfini - Jan Van Eyck - 1434

Salvador Dalì – 1904-1989

D’après son journal, ce serait Gala, sa femme et sa muse, qui lui aurait conseillé d’utiliser de l’ambre dans sa peinture. Ce qu’il fit.

Souviens-toi de cela… Mouille avec de l’ambre en pressant très fort, de l’ambre bien dissous dans l’essence de térébenthine. Ton erreur aujourd’hui était d’avoir mis trop d’ambre. Avec le liquide, il faut imprégner un petit pinceau très long et très effilé. Tu couvriras ton tableau sans faire de taches, car ce qui tache c’est l’excès de matière qu’il est difficile de reprendre sur les bords. Tandis que le liquide tu le limiteras comme tu le veux. Pour peindre les parties fortes il faut les couleurs plutôt liquides, pour les touches suprêmes très liquides… Journal d’un génie – Par Salvador Dalì lui-même. 

Les Montres molles - Salvador Dali - 1934

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Filippo Milanesi
Invité
17/08/2019 20:19

Bonjour…J’aimerais en savoir plus sur la recette de l’ambre dissous… Je vous demande s’il s’agit d’une extraction au solvant à haute température…Cette déclaration provient de Blockx ?

Amandine GILLES
Invité
Répondre à  Filippo Milanesi
23/08/2019 08:43

Effectivement, ces informations proviennent de l’ouvrage de Jacques Blockx. Je n’ai pas d’autres informations que celles contenues dans cet article.

Vanhollebeke Jean-Jacques
Invité
07/06/2018 10:11

Super intéressant, et j’étais attiré par l’utilisation de l’ambre (sans doute à cause de l’aspect mythique, c’est vrai..).
Je garde un excellent souvenir du médium de Xavier de Langlais, mais j’ai perdu sa préparation avec les proportions actualisées, modernes que m’avait donnée une personne charmante qui travaillait à la Maison Lefèbre, à Bruxelles.

KUHWARTH
Invité
Répondre à  Vanhollebeke Jean-Jacques
21/07/2018 20:58

Vous pouvez trouver le medium à l’oeuf de X. de Langlais chez les marchands de couleurs

Sa recette est bien entendu dans son Traité de la peinture à l’huile de 1959.

A votre disposition

Pascal
Invité
24/05/2018 21:35

Bonjour, je découvre votre blog avec intérêt.

Personnellement, je pense que cette histoire d’ambre dissoute est un attrape-nigaud ; si Blockx y était réellement parvenu, vous pensez bien que des géants comme W&N lui auraient depuis longtemps emboîté le pas.
Ne vous laissez pas envoûter par ces fariboles marketing à la limite de l’alchimie ni par ces emballages un peu ridicules cachetés à la cire : quand bien même il s’agirait d’ambre dissous, ce n’est pas ce qui fera de vous un bon peintre.
Il existe des résines aux qualités éprouvées à utiliser dans vos mediums, comme le copal ou, surtout, le mastic de Chios.

Marc
Invité
11/02/2018 14:09

Selon une hypothèse, Jan van Eyck n’aurait pas utilisé de l’ambre :
http://peindre-vrai.fr/le-secret-des-van-eyck/

La recette du dit médium (danger ! Ne pas utiliser de feu nu !) est là:
http://blog-bjl.bjl-multimedia.fr/les-grands-contributeurs-contemporains-de-la-peinture-a-lhuile/

Et, là, une étude du vernis à l’ambre qui ne semble pas très positive :
http://www.atelier-des-fontaines.com/christian-vibert/articles.php?lng=fr&pg=648

N’ayant pas testé je n’ai aucun avis là-dessus…
qu’en pensez vous ?
Merci d’avance.
🙂

xisclo
Invité
Répondre à  Marc
20/01/2019 10:15

Même une addition de résine très petite donne une couche picturale plus cassante

Pascal
Invité
Répondre à  Marc
24/05/2018 21:48

Merci Marc, pour ces liens que je découvre et qui me confortent dans mon idée : l’ambre dissous de Blockx n’est fait que pour faire rêver les gens à un produit miracle.
Il n’y a pas de produit miracle.
Reste qu’un bon medium est indispensable. Personnellement, j’utilise ce qu’on appelle un medium de Maroger (encore appelé Mégilp ou Méguilp) qui est, lui, réellement thyxotrope.
Je suis obligé de le fabriquer moi-même étant donné les interdictions liées aux produits contenant du plomb mais je puis vous assurer de sa nette supériorité, à l’usage, sur les produits de substitution actuellement sur le marché (medium flamand, etc.).

Amandine GILLES
Invité
Répondre à  Marc
20/02/2018 14:26

Bonjour Marc, je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de tester non plus. Merci pour ces liens que j’ai déjà pu découvrir auparavant. M. Fumoux et moi-même nous connaissons et je sais que ses connaissances sont riches et précieuses. Néanmoins, la question de l’ambre n’apporte toujours pas à nos jours de vérités affirmées. Certes des hypothèses et des expériences existent, mais le mystère de l’ambre dans la peinture plane encore… Mon article est une synthèse des propos recueillis dans les ouvrages de la bibliographie. Il se peut bien sur que des versions diffèrent selon les expériences vécues. Je reste bien sur ouverte à toutes informations qui pourraient permettre d’améliorer mes articles. Merci à vous et à bientôt

Branche Jean-Jacques
Invité
13/11/2017 19:16

J’ajoute un complément sur l’ambre que j’utilise depuis plus de 20 ans.. Son atout majeur est qu’il sublime les glacis mais attention jamais pur.. toujours dilué avec de l’huile de lin cuite : D’expérience 50/50 et de préférence en plusieurs couches très minces car le temps de séchage de l’ambre est assez long mais peut être modulé (l’ambre sèche très peu à l’ombre et plus rapidement au soleil). On peut donc moduler le temps de séchage selon que l’on veut re-glacer dans le demi frais ou sur le sec. Je teste actuellement les glacis avec l’ambre et le nouveau médium que va bientôt sortir “la peinture française qualité grand maître”. Les résultats sont somptueux et le temps de séchage très raccourci.

Amandine GILLES
Invité
Répondre à  Branche Jean-Jacques
14/11/2017 11:23

Merci pour cet ajout d’expérience et de connaissance, et j’ai hâte de voir sortir cette nouvelle gamme de produit !

Courdil-Bouthinon
Invité
04/09/2017 22:02

Bonsoir Amandine,

Je travaille actuellement avec l’ambre dissous de Blockx sur la Vanité de Van Hemessen au Palais des Beaux-Arts de Lille et en cherchant quelle proportion d’ambre j’avais ajoutée à l’huile de lin cuite, car je ne l’avais pas notée (!) je suis tombée sur l’article de l’Atelier des Fontaines qui conteste la thyxotropie de cet ambre dissous. Que penses-tu de son article?

http://www.atelier-des-fontaines.com/christian-vibert/articles.php?lng=fr&pg=648

Très cordialement.

Catherine Courdil-Bouthinon

Amandine Gilles
Invité
Répondre à  Courdil-Bouthinon
07/09/2017 11:46

Bonjour Catherine, je pense que le contenu de son article est complet et surtout bien fondé. En plus de l’avoir essayé, de nombreuses photos attestent ses propos. Merci pour ce partage car cela m’invite à effectuer une mise à jour de mon article ! Mais surtout, toi qu’en penses-tu en tant qu’utilisatrice de l’ambre dissous de Blockx ? A bientôt

Rineke de Jong
Invité
19/03/2016 18:46

Merci pour cet article très interessant, Je l’ai traduit en hollandais et en anglais et je placerai cela sur mon blog en ajoutant votre nom comme auteur original. Il vaut difuser cela a un grand publique, c’est mon idée. Si vous avez des objections, veuillez m’informer.

Amandine Gilles
Invité
Répondre à  Rineke de Jong
21/03/2016 11:08

Bonjour, merci pour votre message. En effet, mon nom ainsi qu’un lien direct vers l’article original doivent apparaître.

Rue martine (TRACY Artiste peintre)
Invité
23/09/2015 08:51

Merci pour cet article intéressant
Toutefois serait possible de connaître dans quelle proportion on introduit l’ambre dissout a l’huile ?

Amandine Gilles
Invité
Répondre à  Rue martine (TRACY Artiste peintre)
23/09/2015 16:31

Bonjour,
Tout comme les médiums, il n’y a pas de proportions exactes à respecter. La quantité est a moduler selon la consistance de la pâte désirée.