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Wang Yan Cheng, le maître de l’abstraction lyrique.

Wang Yan Cheng est un maître bien discret. Cet artiste né en Chine en 1960, et diplômé de l’académie des Beaux-arts de Yantai, a reçu de nombreuses distinctions et commandes officielles en France et dans son pays natal. Wang Yan Cheng est un peintre de l’abstrait, mêlant savamment deux cultures pourtant bien distinctes, l’orient et l’occident. Il est considéré comme étant le successeur de Zao Wou Ki et Chu Teh Chun. Tous trois lient la finesse, la délicatesse et la précision des gestes puisant dans l’héritage de la calligraphie asiatique, aux matériaux, à la liberté d’expression et à l’abstraction de la culture occidentale. Ce courant artistique est nommé “l’abstraction lyrique“.

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Des fonds texturés

Wang Yan Cheng travaille la peinture à l’huile sur toile grand format, comprenant plusieurs couches successives. La surface est irrégulière dans sa texture et sa brillance (forts empâtements par endroit et alternance de zones mates et brillantes). Ces zones de reliefs, situées bien souvent dans le centre de la toile, peuvent être réalisées avec de l’acrylique.

L’acrylique permet un séchage rapide et efficace, contrairement à des empâtements en peinture à l’huile trop gras, donc trop risqués pour la bonne tenue de l’oeuvre (risque de craquelure et temps de durcissement extrêmement long, voir interminables). Il est possible d’utiliser directement de la peinture acrylique pour créer de l’épaisseur mais je vous conseille plutôt d’utiliser du modeling past ou gel structuré. Ces produits à base de liant acrylique créent du relief sur tout support. Gélatineux ou pâteux ils se manipulent aisément à la brosse, au couteau à peindre ou à la spatule.

L’artiste utilise un phénomène tout à fait intéressant : le ruissellement de la peinture fluide sur un fond texturé. L’oeuvre est placée à l’horizontale, les couleurs à l’huile fluides créent un écoulement dans lequel se mêlent les différentes teintes. Ce qui est intéressant dans cette technique c’est ce rapport à “l’inattendu maîtrisé”, un processus aléatoire qui se trouve tout de même sous contrôle. Ce procédé s’apparente à l’effet “mouillé sur mouillé” de l’aquarelle. 

Wang Yan Cheng connaît ses matériaux et sait comment les utiliser afin de se satisfaire de leur comportement naturel. Il met en place ses éléments puis attend le bon déroulement avec patience et observation.

La mise en place des glacis

Une fois que le fond texturé est sec, l’artiste reprend sa toile qu’il pose à présent à la verticale, face à lui. Le format étant grand, Wang Yan Cheng utilise un large spalter. Les brosses et pinceaux sont bien évidemment à adapter à la taille de la surface à peindre ainsi qu’à votre manière de peindre. Si vous comptez faire des éclaboussures ou autres techniques de projections, alors des gros pinceaux muraux conviennent (ceux qu’on trouve en magasin de bricolage). A l’inverse, si vous envisagez de peindre avec une certaine finesse et des contours nets, alors il vous faudra des pinceaux beaux-arts propres aux poils assez doux.

La magie opère avec les glacis, l’artiste ne recouvre pas ses couches précédentes il leur donne simplement une valeur ajoutée en rehaussant certains tons. Il utilise pour cela le Liquin Original, médium pour peinture à l’huile vendu en flacon dans tous les magasins spécialisés. Celui-ci permet de fluidifier la peinture et d’accélérer son durcissement. Idéal pour les premières couches notamment.

Le second médium que Wang Yan Cheng emploie est le médium flamand. Celui-ci procure aux couleurs transparence, brillance, supprime les embus et durcit la pâte en profondeur grâce aux résines qu’il contient. L’utilisation de ce médium améliore grandement la qualité de la pâte picturale, lui assurant un bon vieillissement, une meilleure résistance et une brillance uniforme. Grâce à ces médiums, Wang Yan Chen ajoute plusieurs glacis à son oeuvre, lui procurant alors une infinie variation de teintes et une incroyable profondeur. La peinture à l’huile est alors sublimée.

La réussite d’une oeuvre abstraite

Peu importe la destination de l’oeuvre ou l’ambition de l’artiste, il y a certains principes à respecter pour qu’une peinture abstraite soit réussie. Et celle-ci passe avant tout par sa cohérence, son harmonie et sa facture.

Comme dans n’importe quel domaine artistique, certains des éléments doivent être mis plus en avant que d’autres. Dans le cinéma, le réalisme de la scène principale jouée par les acteurs est accentué par les mouvements  des figurants en arrière-plan ; insignifiants pour le spectateur mais indispensables à l’action. En musique, tous les instruments ne jouent pas avec la même intensité ni en même temps, et heureusement, sinon ce serait une cacophonie inaudible. Le phénomène est le même en peinture, il est très mauvais d’appliquer des valeurs et intensités identiques à toutes les couleurs. Chaque couleur doit être traitée différemment selon son importance. C’est pourquoi les contrastes sont essentiels. Si toute la toile est uniforme, c’est un ennui pour l’oeil ; au contraire si l’oeuvre comporte trop d’éléments à forte intensité, l’oeil va se sentir agressé. Il est donc primordial de parvenir à bien jauger ses teintes et ses valeurs.

Il existe plusieurs méthodes pour créer des contrastes picturaux, en voici trois :

  1. Le contraste entre les couleurs claires et foncées
  2. Le contraste entre les couleurs complémentaires (et teintes chaudes/froides). Voir l’article : Lumière, couleurs et contrastes. 
  3. La troisième consiste à jouer avec les effets de matière. Toutes les zones du tableau ne doivent pas avoir le même traitement.

Comme on le voit avec Wang Yan Cheng, le relief, l’empâtement, n’est mis que sur une certaine zone du tableau, bien souvent vers le centre. L’œil y est attiré naturellement car la lumière accroche alors.

Wang Yan Cheng a trouvé dans l’art occidental un moyen de s’exprimer qu’il accorde parfaitement à son héritage asiatique : la délicatesse des gestes, la précision dans la création ainsi qu’une grande patience dans la réflexion. La peinture abstraite qu’il crée relève de la plus grande maîtrise. Sa technique est irréprochable et sa représentation est toute personnelle.

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Denis JOYE
Invité
27/04/2022 00:42

Bonjour Amandine, j’arrive très en retard avec ma question… Concernant Wang Yan Cheng, vous dites qu’il utilise le Liquin comme medium pour ses glacis. Je suppose que vous avez pu avoir l’occasion (et la chance) d’échanger directement avec lui à ce sujet, ou est-ce simplement à partir de l’observation de certaines photos, dont celle de la page d’accueil de la galerie Lelong & Co au sujet de W.Y.Cheng, où l’on voit clairement un bidon métallique de Liquin?… D’autre part, quand vous parlez de ruissellement de peinture fluide sur un fond texturé, il s’agit toujours, à ce stade, de peinture acrylique, si j’ai bien compris? Avec mes remerciements pour votre réponse. Bien cordialement.

Amandine GILLES
Invité
Répondre à  Denis JOYE
28/04/2022 11:15

Bonjour Denis, il n’y a jamais de retard pour une question. C’est dans une vidéo montrant Wang Yan Cheng en pleine création dans son atelier que j’ai pu constater qu’il utilisait le Liquin. Malheureusement, cette vidéo appartenant à un site privé, elle n’est aujourd’hui plus en ligne. A ma grande désolation car j’en avais fait l’élément central de cet article. J’ai donc remplacé le lien de la vidéo par des photos… Toutes les couleurs de cet artiste sont à l’huile, et c’est justement grâce à l’huile que l’on obtient assez facilement cet effet de ruissellement. Je mentionne l’acrylique uniquement dans l’éventualité où l’on voudrait réaliser des empâtements sous-jacents. Le modeling past permet des empâtements jusqu’à 4cm d’épaisseur. Mais cette information est écrite ici au conditionnel, dans le cas où l’on chercherait cet effet AVANT d’appliquer la couleur. Rien n’affirme que Wang Yan Cheng utilise ce procédé.
Merci à vous. Cordialement

Denis JOYE
Invité
Répondre à  Amandine GILLES
29/04/2022 01:20

Merci, Amandine, d’avoir fait diligence pour me répondre. Bien dommage, effectivement, qu’il ne soit plus possible de trouver la moindre vidéo sur la technique de peinture de Wang Yan Cheng. Concernant le “ruissellement”, j’avais perdu de vue la phrase qui suivait immédiatement: les couleurs “à l’huile” fluides créent un écoulement… Donc, effectivement, aucune certitude sur l’utilisation d’acrylique, sous forme medium de structure, ou peinture… Reste à trouver la réponse à la réalisation de ses empâtements, qui semblent faire appel à un additif à sa peinture assez consistant…: Liquin impasto…, medium 5 de chez Lukas…, gel sans solvant de chez Gamblin (qui met un temps infini à siccativer: beaucoup d’huile de carthame par rapport au pourcentage de résine alkyde…), je pense que l’on peut exclure les classiques medium d’empâtement de chez L&B, Sennelier ou Pebeo, resterait l’éventualité de l’utilisation des peintures Griffin (dont W&N a eu la bonne idée d’arrêter le conditionnement en tubes de 60ml), et compte tenu du format des toiles de W.Y. Cheng!… C’est que, pas beaucoup d’indices, même sur le livre que Lydia Harambourg lui a consacré…Allez, on finira par trouver! Ou, comme bien souvent, en cherchant quelque chose, on trouve autre chose… Mais que de temps passé dans la quête du graal, qui se sera soldée par l’accumulation de tubes qui dorment au fond de tiroirs… Bonne continuation, bien à vous.

schembari
Invité
29/11/2020 10:46

Tout simplement un véritable peintre qui utilisent les bases contemporaines des matériaux . La peinture pour tout peintre est avant tout un jeu créatif.

Ray LEIMA
Invité
27/08/2019 19:42

Très bel article, plein de finesse-Les explications sont claires et les mots pesés-Très agréable à lire-C’est une aide très précieuse

FACON Philippe
Invité
10/11/2018 08:05

BRAVO SUPERBE ARTICLE, très pédagogue…
à bientôt

LOBEL
Invité
23/10/2018 05:38

Etude trés instructive. Merci à vous.

Jeany
Invité
08/10/2018 15:56

Un superbe article bien écrit ça fait plaisir à lire et à comprendre ! Je vous remercie pour le partage de vos recherches. Je suis inscrite à votre news et j’apprends avec plaisir. Impatiente de votre prochain article. Bonne journée à vous